La question de l’isolement et de la solitude chez les personnes âgées« J'ai toujours eu de l'attachement et de l'empathie pour les personnes âgées. Surtout quand je les vois dans la rue, essayant de marcher dans le rythme infernal qui les entoure, j'ai l'impression qu'elles sont de petites choses au milieu de la jungle urbaine », explique-Olivier Ducray.
C'est cet amour des âgé-e-s et la volonté de dénoncer l’isolement et la solitude dont souffre une partie de cette population, qui ont poussé Olivier Ducray à réaliser un film d'auteur sur la tournée d'une infirmière à domicile pendant un an.
Mais plus encore, il a souhaité rendre visibles celles et ceux qu'on ne veut pas voir, et contribuer à lever le tabou : « J'ai toujours été étonné qu'on ne veuille pas regarder la vieillesse en face. A écouter la société, on croirait une maladie orpheline, qui ne touche que quelques cas. Je me demande ce qui s'est passé dans la société française pour que cela se passe comme ça. Ce n'est pas un signe de bonne santé de notre pays ».
De l’empathie au lien socialLors des tournages, une fois par mois, le réalisateur et son cadreur (caméraman) rencontrent de nombreux âgés, avec une préoccupation majeure : au-delà du personnage de Françoise, connue dans tout le 3e arrondissement de Lyon depuis 33 ans qu'elle exerce pour être une bonne fée des âgé-e-s, c'est la relation de l'infirmière avec des personnes en souffrance, en particulier en raison de la solitude, qui l'intéresse.
« Françoise dans son travail est à la fois tendre et dure. Elle ne cherche pas à enjoliver les choses. Mais elle aime son métier et a une empathie immense », dit-il.
Et c'est ce que le cinéaste cherche à montrer : comment cette empathie peut recréer le lien social et l'humanité dans la relation qui manquent trop souvent aux personnes seules et fragiles.
Françoise, une professionnelle hors normeMais si Olivier Ducray a pu réaliser son film, rentrer en relation avec les âgé-e-s et obtenir facilement les autorisations de tournage de leur part et de celle de leur famille, c’est aussi et surtout grâce à cette infirmière exceptionnelle.
Françoise est en effet un personnage rêvé pour à la fois sa gouaille, son franc parler, son énergie mais aussi pour l'amour qu’elle porte à son métier et la passion qui l’anime pour l’exercer.
Elle est totalement dans ce que nous appelons « le care », la sollicitude envers les autres, tout en gardant toujours la distance nécessaire à son statut professionnel.
Elle parle de sa pratique et souligne que les politiques publiques peinent à valoriser un métier qui est beaucoup plus que les quelques actes de soins (il y a quantité d'autres tâches gratuites sans nomenclature et donc mal reconnues).
Le réalisateur explique qu’elle fait ce que tant d'autres ne font pas : parler, valoriser, bousculer parfois les âgé-e-s : « elle est un peu leur starter tous les matins », selon ses propres mots.
Aussi, l’infirmière déplore parfois l'incompréhension des proches, qui, d'un seul coup se retrouvant confrontés au vieillissement de leurs parents, sont totalement démunis.
De fait, le réalisateur espère, qu'avec le film qui dévoilera la vie des personnes âgées, « le regard du spectateur en sera modifié».
Outre les scènes de soin, le film fera parler Françoise, qui commente souvent à la caméra ce qui vient de se passer, et interviewera aussi des patient-e-s : « Cela donne des moments géniaux d'interpellation », explique Olivier Ducray, « il n'y a pas plus direct dans leur expression que des personnes de 90 ans ».
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