11 mars 2015

L'intégrité est payante, car elle permet de changer les choses !

L'honnêteté et le courage de ces jeunes préposées va peut-être permettre de faire avancer le métier de préposéE aux bénéficiaires en montrant que nous sommes capable de voir ces lacunes et de les dénoncer. Dans cette vidéo, elles expliquent clairement qu'est-ce qui ne va pas dans le système de santé. Elles expliquent comment les préposées se retrouvent isolées dans des situations à problèmes, qui sont hors de leurs compétences mais qu'elles doivent gérer parce qu'il n'y a pas les ressouces nécessaire :

Mise à jour le jeudi 19 février 2015 à 11 h 59 HNE

ICI RADIO-CANADA  : Aînés : le système laisse-t-il tomber les cas lourds?


http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/02/19/002-residences-privees-aines-sunrise-perte-autonomie.shtml

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Il faut davantage de témoignages comme celui de cette autre jeune femme courageuse et honnête, pour montrer aux aveugles le travail gigantesque que les préposées aux bénéficiaires (99,9 % des femmes) exécutent dans les résidences, dans les hôpitaux et les CHSLD avec vaillance et bienveillance !


Aide Soignante, elle crée une énorme onde de choc en publiant sa lettre de démission.

 |  | mots clefs : 

Cette courageuse femme quittait son travail en tant qu’aide soignante dans un Centre hospitalier en publiant sa lettre de démission sur les réseaux sociaux. Elle y explique explique la galère des aides soignantes et leurs détresses car effectivement les employés doivent remplir des tâches difficiles et surtout faire face à un environnement de travail peu reconnaissant. Voici sa lettre :
Bonjour,
À qui de droit, (membres de la direction, gouvernement ou tout autre personne qui détient le pouvoir de faire évoluer les choses…)
Ça fait des jours que je cherche la bonne façon de décrire, d’expliquer, de m’exprimer, afin de mieux faire comprendre les raisons pour lesquelles j’ai démissionné de ma vocation de PAB. Si je pouvais résumer en une phrase, je dirais « Mon métier me détruit » autant physiquement que psychologiquement. Je ne cherche pas la pitié, je demande seulement un peu d’empathie, de l’écoute et de la reconnaissance, de la compréhension, mais surtout du soutien, le désir de vous faire réaliser… que je tente de sauver mes collègues ainsi que les patients des centres hospitaliers, et peut-être recevoir un peu de ce que j’ai tant donné… !
Pour commencer, avoir entre 12 et 16 patients pour une seule préposée…. C’est selon MON jugement, INHUMAIN ! Comme j’aimerais vous faire visualiser !!!
D’abord, faisons une moyenne entre le minimum et le maximum de patients attribués à une préposée. Une journée typique où j’ai 14 patients. J’arrive à 7hrs am. Je dois distribuer le déjeuner à 8hrs am. Je dois évidemment lever tous les 14 patients au fauteuil (pour stimuler leur autonomie) en une heure, on se comprend là-dessus ?
J’aimerais savoir, combien de temps concédez-vous à une personne pour lever ces 14 patients en considérant qu’il y a en moyenne (sans exagérer):
- 2 patients paralysés d’un côté.
- 2 patientes très confuses qui ont jouées dans leurs culottes d’incontinence et ont faits des dégâts dans leurs lits, leurs mains, leurs visages… (Changements de lits urgents, on s’entend ???)
- 2 patients très lourds qui souffrent au dos.
- 2 patients branchés sur des pompes avec lunettes d’oxygène et sondes, bref remplis de fils !!!
- 2 patients à qui l’on doit expliquer et réexpliquer les principes de la marchette (pour stimuler leur autonomie) et les installer dans un fauteuil gériatrique avec ceinture et tablette.
- 1 patient à installer droit dans son lit, oreiller au dos, parce qu’il doit rester alité.
- 2 patients qui sont faciles à mobiliser, mais qui refusent de se lever et deviennent agressifs.
- 1 patient autonome. (La joie!)
Mais ce n’est pas tout. Pendant que l’on doit lever tous ces patients :
- 6 d’entre eux ont besoin d’aller aux toilettes, se déplacer (pour stimuler leur autonomie) et les autres on doit, soit changer leurs culottes, soit les installer sur la bassine ou la chaise d’aisance.
En une heure, pensez-vous que c’est possible de BIEN faire tout ça ???
Je mets de l’importance sur le mot BIEN et je m’explique…
Je parle de « bien faire » dans le sens où :
- J’aime quand mes patients travaillent eux-mêmes le plus possible pour se mobiliser (ça stimule leur autonomie), mais je pourrais aussi les prendre par le dessous des bras et la culotte et tirer, en disant « Go on se lève » ça irait plus vite !!!
- J’aime aussi quand mes patients ont les parties génitales et les mains bien nettoyées lorsqu’ils vont à la toilette (c’est plus sain), mais je pourrais camoufler le tout avec une culotte d’incontinence neuve, sans laver leurs mains et personne n’en saurait rien, ça irait plus vite !!!
- J’aime aussi répondre aux cloches d’appels le plus efficacement possible. (Souvent les besoins des patients sont importants), mais je pourrais simplement éteindre la cloche d’appel sans répondre à la demande du patient, ça irait plus vite !!!
Bon, revenons au déjeuner. À chaque cabaret distribué, je leur installe un tablier et m’assure qu’ils aient les mains propres.
Sur les 14 cabarets distribués :
- 9 d’entre eux ont besoin d’aide pour ouvrir tout leurs contenants.
- 7 d’entre eux ne graissent pas leurs rôties et on les assiste le temps qu’ils le fassent seul avec consignes (pour stimuler leur autonomie).
- 2 d’entre eux ne mangent pas seul.
Combien de temps allouez-vous à une personne pour nourrir deux êtres humains ???
Ensuite la PAB doit ramasser tous les cabarets, noter le pourcentage de la nourriture mangée par le patient et noter s’il y a lieu les dosages de liquide bu.
Maintenant, pour continuer dans les moyennes non exagérées…
- 9 bains partiels ou complets doivent être faits (en moyenne, selon notre plan de travail).
- 3 lits doivent être changés au complet (sans compter les imprévus).
Combien de temps accordez-vous pour BIEN faire ces tâches ???
Je m’explique encore sur le mot « BIEN »…
- J’aime nettoyer avec soins mes patients. Savonner, rincer, essuyer, crémer (ils le méritent), mais je pourrais aussi n’utiliser que le savon sans rinçage qui n’élimine pas les odeurs et qui ne sent rien et essuyer très rapidement en laissant de l’humidité, personne ne le saurait, ça irait plus vite !!!
- J’aime faire la barbe de mes patients. Ils sont âgés mais ont encore une fierté et j’ai l’impression qu’ils feel mieux (c’est sûrement psychologique de ma part). Je pourrais me dire, la barbe peut s’endurer encore 1 jour ou 2, les employés de demain le feront, ça irait plus vite !!!
(et je me le dis souvent, je n’ai pas le choix).
- J’aime quand mes patients propres se couchent dans un lit propre. Je pourrais tout simplement ne pas le faire quand le lit ne semble pas souillé, ça irait plus vite !!!
Ensuite arrive le temps du dîner. Je pourrais répéter le même paragraphe que celui du déjeuner (ça aurait plus d’impact), mais je vais m’abstenir en espérant que cette partie là, ait été bien comprise… ça va aller plus vite !!!
Pour faire plus court dans toutes les tâches que je n’ai pas encore mentionnées, je vais les ajouter ici… Notez bien qu’on termine notre chiffre de travail à 15hrs pm. En épargnant beaucoup de détails, puisque les journées se suivent, mais ne se ressemblent pas…!
– La moitié des patients veulent se coucher après déjeuner, se relever pour diner, se recoucher après diner et parfois se relever encore. (Moyenne de 21 mobilisations en levée et couché).
– Presque tous vont à la toilette 3 fois par chiffre de jour (13×3=39), (Pour un patient autonome à ne pas oublier) !!!
Regardez bien, juste la dernière phrase entre parenthèse… 39 FOIS allés/retours des toilettes ou changements de culottes !
Combien de temps estimez-vous à quelqu’un pour faire cette tâche 39 fois ???
(N’oubliez pas d’ajouter à ça les 9 bains partiels ou pas, les 3 changements de lit et la liste qui suit…)
- 3 patients doivent être préparés pour un examen. Ce qui s’avère être de nouvelles mobilisations.
- 1 départ ou une admission de patient (qui inclut du temps de préparation).
- 5 collations à distribuer aux personnes diabétiques (on ne les lance pas sur les tables. Ça indique ici d’installer le patient pour qu’il soit capable de manger ou de le nourrir s’il en est pas capable seul).
- Vider les poches souillées dans la chute à linge. (Moyenne 7 par jour, s’il n’y a pas de cas en isolation).
- Désinfecter tous les chariots de poches souillées
- Faire la tâche de la semaine (ex : laver le frigidaire appartenant à tout le personnel).
- Remplir les chariots de lingerie, de nettoyants, crèmes, culottes, etc.
- Ramasser les traîneries sur les tables des patients et désinfecter celles-ci.
- Chaque civière ou fauteuil roulant doit être désinfectés après utilisation.
- Sans oublier que l’on a en moyenne 1h15 min. de pause et dîner combinés.
Aussi, plusieurs imprévus arrivent au mauvais moment. En moyenne (j’aime faire une moyenne de mes 5 années d’expériences) 2 de cette liste arrivent au moins à tous les jours.
– Renversement de pichet d’eau.
– Vomissures.
– Dégâts de selles ou d’urine.
– Mauvais cabaret (doit se rendre à la cafétéria en chercher un autre).
-.Commission à faire pour infirmière (aller en stérilisation ou aller chercher commande au laboratoire).
-.Patients à risque de chute qui se lève seul trop souvent (surveillance étroite difficile à faire lorsqu’on est occupé à une autre tâche).
-.Faire marcher les patients, selon le tableau de recommandation du programme de mobilisation.
– Bonbonnes d’oxygène vides lorsqu’on en a besoin immédiatement.
– Patients en isolation (C difficile ou SARM) qui demande plus de temps de préparation.
– Réunion d’équipe à tous les matins (où souvent les préposées sont parfois trop occupées pour y assister, et ça ne semble pas toujours très important aux yeux d’une partie du reste du personnel que la préposée ne connaisse pas les problèmes de ses patients).
– Mettre le plan de travail à jour et signer les tâches faites.
– Nettoyage des bassines, bols de bain et autres équipements.
– Patient qui utilise la cloche d’appel régulièrement parce qu’il a chaud, froid, est mal installé, ça lui pique dans le dos, est inquiet, etc.
Vous adjugez combien de temps aux imprévus ???
Notez bien, que mes patients ont toujours été MA PRIORITÉ. Je sais aussi qu’ils m’appréciaient. Souvent je me suis fait remercier de ma douceur et ma délicatesse. J’aimais beaucoup le nouveau programme de mobilité (faire bouger les patients) en fixant des objectifs aux patients sur leur capacité de marcher, d’aller de plus en plus loin, ainsi que leurs AVQ. Mon but premier était de mettre du bonheur dans leur journée, ils en avaient besoin! De plus, j’ai quand même eu la chance de travailler avec des infirmières en or qui s’épuisaient aussi au travail parce qu’elles (ou ils) aidaient beaucoup à mobiliser les patients en plus de leurs tâches… et je les remercie! Par contre, avec tout l’ouvrage qui en découlait la majorité du temps, je dois avouer que j’étais plus qu’épuisée à la fin de la journée.
Maintenant, je tiens à mentionner un point important à mes yeux (qui concerne tout le monde). Le manque de solidarité entre « certains collègues » ou autres quarts de travail… Je précise ici un point important puisque j’en ai été affectée moi-même comme plusieurs, et je l’ai trop souvent remarqué pour ne pas le mentionner.
Avant de vous en faire part j’insiste sur une précision. Tous les points que j’ai dictés plus haut en parlant de ce que j’aime « bien faire » avec les patients, ont été faits de ma part avec tout mon cœur et toute mon énergie. J’ai toujours fait mes tâches du mieux que je pouvais en donnant mon 100%. Prenant soin des patients, je n’ai jamais eu cette école de pensée qui dit « Ça va aller plus vite »!
Mentionnons maintenant les remarques négatives (de certaines personnes) que j’appelle en autre terme « du bitchage » et qui peuvent nuire au rendement, à l’estime et à la confiance en soi et qui peuvent mener à l’épuisement à force de vouloir être parfaite pour satisfaire et plaire à tous…
J’ajouterai entre parenthèses ma remarque personnelle.
– Plainte d’une collègue du chiffre du soir que les plats de collations ne sont pas ramassés sur les tables des patients. (Dans le pire des cas, il y en a juste 5 qui traînent, alors en passant les verres d’eau avec ton chariot, tu peux facilement les ramasser non ?!!)
– Plainte d’une collègue du chiffre de soir sur le fait que les draps du fauteuil patient n’ont pas été changés en même temps que le lit. (Quand je change le lit du patient, souvent le patient est assis sur son fauteuil, je ne peux donc pas changer le drap du fauteuil. Plus tard, je manque souvent de temps. Mais toi tu peux! À 10hrs le soir quand tous les patients sont couchés!!! Et si tu n’as pas le temps…. Je ne te jugerai pas) wink emoticon
– Plainte d’une collègue du chiffre de soir que les culottes n’ont pas été changées pendant la dernière tournée. (Si je commence ma dernière tournée de culottes à 14hrs et que toi tu passes à 15h30, il est fort possible que tu trouves une ou deux culottes souillées. Penses-tu que je ne vois jamais de culottes souillées quand je commence mon chiffre le matin? Et non, je ne me plains pas, je comprends que ça se peut, puisqu’il n’y a pas encore de minuterie sur la vessie des gens…) !!!
– Plainte d’un autre chiffre que le vidage des poches de linge souillées ou le remplissage n’ont pas été fait. (Ben non! Je n’ai pas eu le temps aujourd’hui! C’est rare mais ça arrive. Câline… Mes patients ont été prioritaires! J’espère, moi aussi, que ça ira mieux demain !!!)
-.Affirmation d’une collègue à une autre lorsque j’ai travaillé dans un département où je n’étais pas habitué du tout et qui demande des soins particuliers. «Ha non! Ils nous envoient toujours des petites nouvelles qui sont pas habituées, j’suis assez tannée»! (Yououuu!! je suis là! Que c’est agréable de commencer une journée avec un bel accueil comme ça !!! Surtout quand j’ai angoissé toute la nuit à l’idée d’être obligé d’aller travailler à un endroit où je ne suis pas à l’aise du tout et que j’appréhendais déjà ce genre d’attitude ! Je me demande bien pourquoi…)
-.Phrase que j’ai entendue trop souvent dans plusieurs départements, sauf dans mon département habituel où mes collègues me connaissent bien. « ELLE EST OÙ MA PRÉPOSÉE ? » ou encore « Heille! C’est tu toi ma préposée ? Viens ici j’ai besoin ! » (Heu… J’ai un prénom moi aussi et il est encore plus beau que « ma préposée »! De plus, je ne t’appartiens pas! Nous sommes une équipe de 3. Serait-il possible de retenir mon prénom qui est écrit au tableau ?!! Au pire, écris-le sur ton bras si tu n’as pas de mémoire…)
On tente d’apprendre aux enfants le respect, l’acceptation, la compréhension, la communication, bref, rendu en milieu de travail est-ce que l’on pourrait appliquer ces belles valeurs ? Croyez-moi, L’harmonie et la qualité du travail accompli commence par tout ceci… wink emoticon
Voilà toutes les raisons pour lesquelles je me suis épuisée à vouloir satisfaire à tout le monde dans ce que je croyais être « Ma Vocation ».
La petite goutte qui a fait déborder le vase maintenant…!
Je suis monoparental. Je n’ai pas de mère ou belle-mère qui est disponible en tout temps, comme bien d’autres, pour s’occuper de mon enfant au besoin. Comme je suis seule avec mon enfant, je ne suis pas assez fortuné pour réserver un budget au gardiennage. Étant disponible sur le chiffre de jour, on exige d’être disponible et de travailler au moins 2 soirs semaine. Je réussis parfois à m’organiser mais là dans ce cas-ci c’était plus compliqué. On me demandait de travailler de soir (dans le département mentionné plus haut où je ne suis pas à l’aise et ne me sens pas la bienvenue) et de rentrer de jour le lendemain. Je tente par tous les moyens de trouver une solution. Je demande un refus de quart. On me dit que selon la nouvelle convention, on ne peut plus faire ça. Je tente d’échanger avec un autre employé, je ne trouve personne et je n’ai pas droit à la liste d’employés. Je demande alors des vacances fractionnées. On me le refuse aussi, je ne suis pas dans les délais. Donc, je demande à la liste de rappel de me proposer une autre solution. Voici la solution que j’ai reçue, sur un ton de voix aussi agréable qu’une gastro : « Trouve toi une gardienne comme tout le monde »!
J’ai démissionné !
NB (Je tiens à ajouter que pendant mes 5 années au centre hospitalier de ma région, j’ai fait des rencontres merveilleuses. Je m’ennuie de mes collègues avec qui j’ai développé une belle complicité, ce qui rendait tout de même l’atmosphère agréable à travailler. Je m’ennuie également de mettre du soleil dans la journée de mes patients. Pour eux, j’étais à ma place, et ils appréciaient ma façon de prendre soins d’eux. Je les remercie, collègues et patients, qui m’ont permis de tenir le coup pendant tout ce temps. Maintenant, je ne suis plus là, mais sachez que je vous appuierai toujours et m’impliquerai à faire reconnaître cette gratifiante vocation !!!

27 mai 2014

Des caméras dans les chambres des résidences : Pour ou contre ?


QUELLE JOIE

La question du jour de mon journal portait sur les caméras que les familles installent ou voudraient installer dans la chambre du CHSLD où est soigné un de leurs proches. Oui aux caméras, ont dit 78 % des 12 000 répondants.
Cela m’a mis de bonne humeur comme chaque fois que l’humanité fait un petit pas en avant, ce qui lui arrive, à l’humanité, presque tous les matins. Hop, un petit pas en avant, hop, un autre.
Ces caméras, donc.
Comme vous, je les crois indispensables pour trois raisons. Un, le vol : protéger les résidants de la rapacité des préposés syndiqués. Deux, les coups : protéger les résidants de la brutalité des préposés syndiqués.
La troisième raison, la plus importante : ces caméras favorisent le rapprochement des familles. Les nouvelles technologies, ces caméras, donc, pourvues d’un modem, permettent à tout instant de voir sa mère, en direct dans sa chambre, sur l’écran de son téléphone intelligent ou sur l’écran de son ordi, même de la télé. Plus besoin d’aller au CHSLD. De toute façon, quand t’y vas, elle ne te reconnaît pas. Et puis, il faut bien le dire même si c’est notre mère, elle ne sent pas très bon.
On peut même enregistrer les meilleurs moments de grand-maman au CHSLD pour les repasser après sa mort. Ah oui, c’est la fois où elle a recraché sa purée dans les lunettes du préposé. Qu’est-ce qu’on a ri.
***
Mais d’abord sécurité, sécurité. Protéger ces pauvres vieux contre le vol. On le sait, les CHSLD et même certaines résidences privées sont des repaires de syndiqués. D’ailleurs pas si bien payés pour des syndiqués. On ne s’étonne pas qu’ils se paient sur la bête. Tout disparaît. Les bijoux, les habits, même les piles des appareils auditifs…
Où sont tes piles, Mémé ?
Y m’les ont volées.
Je connais une préposée, la jeune quarantaine, elle vient de s’acheter un condo à Pompano, elle prend sa retraite la semaine prochaine. Avec quoi tu vas vivre, chérie ? Mon argent est fait, qu’elle m’a répondu.
Ben tiens.
Il y a aussi que les vieux se volent entre eux. J’étais chez un ami l’autre soir dont la mère est dans un CHSLD. Il va souvent la voir, je veux dire sur l’écran de son téléphone intelligent…
Là, qu’est-ce qu’elle fait ta mère ?
Elle dort. On l’a regardée dormir un moment, c’est alors que la porte s’est ouverte sur une visiteuse aux allures furtives… C’est la voisine de la chambre d’à côté, m’a soufflé mon ami, regarde, regarde, elle vient de lui voler des bonbons… Il a appelé aussitôt à la résidence. Vous faites quoi, là ? Vous êtes dans votre break, je suppose ? Pendant ce temps-là, ma mère se fait voler ses bonbons par la salope d’à côté.
Le pire, ce sont les enlèvements. Les caméras vont beaucoup aider pour réduire le nombre d’enlèvements. Quand c’est un bébé qu’on enlève, ah ben là, cinq pages dans le journal, mais un vieux… Je parie que vous n’avez jamais entendu parler des réseaux de traite de vieux dans les CHSLD. Ce sont surtout des vieilles qui sont enlevées pour servir de grand-mère à tout faire, surtout dans les pays arabes. J’ai un ami comme ça qui était en vacances en Tunisie, dans un souk, il reconnaît sa grand-mère disparue depuis longtemps. Grand-maman ! Qu’est-ce tu fais là ?
Elle ne parlait presque pu français. Qu’est-ce que ji fais ? Ji fais le couscous, ji fais le ménage, toutes ces choses-là.
***
Quand je grince, c’est que quelque chose me tue. Ce 78 % me tue. Me pue.
Il y a quelques années, une caméra cachée avait montré un préposé en train de traîner un petit vieux sur le plancher comme une poche de patates. Les médias l’avaient passé et repassé mille fois. Les préposés étaient devenus des salauds absolus. J’avais écrit une chronique pour vous rappeler que ces salauds ont les mains plongées jusqu’aux coudes dans la merde de vos parents pour 400 piasses par semaine à l’époque. Ça ne doit pas être beaucoup plus aujourd’hui. J’avais montré leur travail, le petit vieux constipé qu’il faut débonder au doigt. Le gavage des repas : une préposée pour trois pensionnaires sur une chaise à roulettes pour aller plus rapidement de l’une à l’autre, celui-là régurgite, celle-là s’étouffe, la troisième s’empiffre et à la fin défèque, venez madame, on va vous changer. Huit bénéficiaires sur dix sont en couche.
Dans ses moindres détails, et il y en avait beaucoup, la chronique avait été documentée par une préposée devenue libraire depuis peu. Denise, son nom. Elle vient juste à l’instant de me réécrire. Faudra-t-il recommencer, me dit-
elle ? Saurez-vous expliquer à 78 % de… et de… que la dernière chose à faire est de mettre une caméra dans les chambres des CHSLD ?
Expliquez-leur, M. le journaliste, que les caméras pour vérifier si les caissières proposent bien au client la carte de fidélité de leur merdique magasin, ces caméras-là, c’est Big Brother. On est rendu là. Y’a même plus de débat.
Avec les caméras dans les chambres des CHSLD, on atteindra le dernier niveau d’indignité. On ne pourra pas aller plus bas.
***
Oui aux caméras, ont dit 78 % des 12 000 répondants à la question du jour de mon journal. Cela m’a mis de bonne humeur comme chaque fois que l’humanité fait un petit pas en avant, ce qui lui arrive, à l’humanité, presque tous les matins. Hop, un petit pas en avant, hop, un autre. Quand je vais mourir, ce sont ces petits sauts-là qui vont me manquer le plus. Je suis à imaginer une urne sauteuse pourvue d’un mécanisme à ressort que l’on programmerait pour sauter tous les matins, hop, l’urne ferait un petit bond dans sa crypte et j’aurai l’impression de continuer de participer au progrès du monde avec 78 % d’entre vous.
Quelle joie.


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Si des caméras dans les cambres des résidentEs peuvent démontrer clairement à l'État et aux familles le manque de ressources des préposées dans les résidences et les CHSLD, et bien tant mieux ! Si ces mêmes caméras montrent des situations ambiguës vécues par les résidentEs ou vécues par les préposées, se sera un pas en avant vers de meilleures conditions de travail pour les préposées et une sécurité accrue pour les résidentEs. 
Une famille a-t-elle le droit de placer une caméra dans la chambre de leur mère, dans un CHSLD public, afin d'assurer sa sécurité?
C'est la question que la Cour supérieure tentera de trancher dans les jours qui viennent après qu'une famille ait posé ce geste pour s'assurer des bons soins sur leur mère.
Les détails ici : Texte complet
— Je suis d’accord avec ça je fais du bon travail et ont pourrais voir ce qu’ont subis avec certains patients

— Moi je ne suis pas d'accord, car imaginez vous , vous faire filmer pendant que le patient se fait laver ou changer de culotte !!! Il faut penser l'intimité du patient !!! Moi je suis PAB dans un Csss et je fais mon travail avec professionnalisme !!!
— J'imagine que le visionnement ne se fait qu'en cas de plainte ou de doutes sur une situation problématique. Les caméras peuvent servir autant pour les résidentEs que pour les préposées. Si on accuse une préposée de gestes malencontreux, elle peut utiliser la caméra comme moyen pour démontrer qu'elle a agi correctement. Les caméras servent dans les deux sens.
— moi je suis d’accord des fois c a peut être les patients qui son très déplaisant avec les préposées et même envers d’autres patients...
— moi qu’il y est caméra oui ou non ça m’est égal peut être justement ils verront que nous n’avons pas grand temps avec nos patients
— ils vont aussi voir comment nous faisons bien notre travail !!!

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