23 septembre 2013

De plus en plus de baby-boomers à la rue


Inquiétude dans le milieu de l'itinérance: de plus en plus de personnes âgées se retrouvent à la rue parce qu'elles sont souvent seules ou ostracisées et que leur âge leur ferme pratiquement toutes les portes du marché du travail, révèle une étude obtenue par La Presse, qui sera publiée aujourd'hui.
«On remarque une surpopulation des personnes âgées dans la rue par rapport au reste de la société, explique Jean Gagné, de la TÉLUQ, expert des questions d'itinérance. Beaucoup arrivent dans la rue après l'âge de 50 ans parce qu'ils ont perdu leur logement ou leur travail, ou parce qu'ils ont des problèmes cognitifs, de démence ou d'alcoolisme. Ils n'ont pas été itinérants toute leur vie.»
L'étude qualitative réalisée par l'organisme PAS de la rue à Montréal, qui accueille des sans-abri et des gens très pauvres de plus de 55 ans, montre aussi du doigt le creux financier entre le moment de la perte d'emploi et l'âge d'admissibilité à la pension de vieillesse, à 65 ans (ou 67 avec la réforme du gouvernement Harper). «Déqualifiés du milieu de travail, sans économies ou sans assurances et seuls, les revenus d'aide sociale représentent pour les 55-64 ans la source de revenu ultime», lit-on dans le document. Ce n'est pas suffisant.
Selon la professeure Lucie Gélineau, experte des questions de pauvreté, une personne seule a besoin de 13 000$ par année pour vivre décemment. La somme moyenne reçue de l'aide sociale est d'environ 700$ par mois. Certains reçoivent aussi peu que 400$.
Une augmentation marquée
Des chiffres tirés d'une autre étude, menée actuellement sur le même enjeu par le chercheur Jean Gagné, révèlent que 38% des baby-boomers atteignent aujourd'hui la retraite dans un état de grande précarité, contre 10% en 2001-2002. Au PAS de la rue, la clientèle a bondi de 51% en deux ans. Plus de la moitié des gens qui fréquentent l'organisme ont de 55 à 65 ans.
Ces gens, surtout des hommes, choisissent parfois consciemment de passer la nuit dans les refuges, où ils ont accès à de la nourriture, des vêtements et des toilettes, selon l'étude. D'autres n'ont d'autre choix que de faire la tournée des soupes populaires.
Plus fragiles
«Comme ils sont plus fragiles et qu'ils ne sont pas des habitués de ce milieu, ils sont victimes d'abus dans les refuges. Ils sont plus faciles à victimiser, parce qu'ils ne connaissent pas la rue», explique Jean Gagné.
Si le phénomène est difficile à chiffrer, il s'aggrave, observent plusieurs intervenants du milieu, qui tiendront un point de presse ce matin pour lancer un appel à l'aide. «La situation est inquiétante, et des changements politiques, sociaux et structurels devront se faire pour prévenir cette situation», martèle Sébastien Payeur, directeur de PAS de la rue.
Comme pistes de solution, l'étude de son organisme propose notamment d'assurer un meilleur revenu aux gens âgés, d'améliorer leurs conditions de travail et leur sécurité d'emploi, de favoriser l'accès au logement social pour les personnes de 55 ans sans problèmes lourds, mais présentant de très faibles revenus, et de mettre sur pied une ressource pivot destinée à ce groupe d'âge afin de les aider à s'en sortir.

22 septembre 2013


Alzheimer : une grande avancée sur l'une de ses causes possibles

En cette journée mondiale contre la maladie d’Alzheimer, des chercheurs états-uniens viennent de faire une découverte majeure dans la lutte contre la forme la plus courante de démence. Les fameuses protéines appelées bêta-amyloïdes seraient dangereuses plus tôt qu’on ne le pense, et conduiraient à la destruction des connexions entre neurones. Des connaissances nécessaires pour développer un traitement enfin efficace.

Les synapses sont les connexions nerveuses entre les neurones, et nous sont indispensables. Malheureusement, elles disparaissent progressivement dans la maladie d'Alzheimer, contribuant à l'accélération du déclin cognitif. La faute aux oligomères de bêta-amyloïdes. © Emily Evans, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
La population mondiale vieillit et doit désormais faire face à des pathologies autrefois méconnues. Parmi elles, les démences, la maladie d’Alzheimer en tête. On célèbre ce 21 septembre la 20e journée mondiale de lutte contre la neurodégénérescence la plus commune. Elle se caractérise par la perte progressive de synapses et de neurones dans le cerveau des patients, se traduisant en retour par des déficits cognitifs, notamment en ce qui concerne la mémoire.
Fréquente et coûteuse pour la société, elle fait l’objet de nombreuses recherches depuis des années, mais elle garde encore son lot de mystères. Par exemple, on ignore ses causes exactes. On sait qu’elle a une composante génétique, que l’hygiène de vie peut la limiter, et qu’on trouve dans le cerveau de tous les patients des agglomérats de protéines appelées bêta-amyloïdes, formant ce que l’on appelle des plaques séniles.
Mais ces bêta-amyloïdes sont-ils la cause ou la conséquence de la maladie d’Alzheimer ? Le débat n’avait pas été réellement tranché, même si les suspicions de culpabilité étaient fortes. De nouveaux éléments publiés dans Science plaident en la défaveur de ces protéines : elles contribueraient à la destruction des synapses, les connexions nerveuses.

Des bêta-amyloïdes qui ont trop d’affinités avec PirB

Quelques précisions s’imposent pour comprendre précisément la recherche. Carla Shatz, chercheuse à l’université Stanford, travaille depuis plusieurs années sur une protéine de souris nommée PirB. Alors qu’on la pensait limitée au système immunitaire, cette protéine se retrouve également à la surface des neurones, à proximité des synapses. Elle constitue un frein en empêchant les connexions nerveuses d’établir des liens trop forts à chaque nouvelle stimulation, et évite l’hyperexcitabilité menant notamment à l’épilepsie. Mais il s’avère que des souris génétiquement modifiées pour présenter des troubles similaires à ceux rencontrés dans la maladie d’Alzheimer ne présentent pas cette plasticité synaptique. PirB y serait-elle pour quelque chose ?
Cette image au microscope montre les plaques séniles (en marron) qui se forment entre les neurones du cortex cérébral. En elles-mêmes, elles pourraient ne pas être nocives, mais les bêta-amyloïdes qui les composent auraient auparavant contribué à détruire les synapses entre les neurones.
Cette image au microscope montre les plaques séniles (en marron) qui se forment entre les neurones du cortex cérébral. En elles-mêmes, elles pourraient ne pas être nocives, mais les bêta-amyloïdes qui les composent auraient auparavant contribué à détruire les synapses entre les neurones. © Nephron, Wikipédia, cc by sa 3.0
Dans cette nouvelle étude, les auteurs ont créé une souche de souris porteuses de deux gèneshumains prédisposant à la neurodégénérescence, chez qui, en plus, le gène à l’origine de PirB était éteint. Ces rongeurs présentent bien des dépôts de plaques séniles à l’âge adulte, mais semble-t-il aucun trouble cognitif. Les résultats aux tests de mémoire sont équivalents à ceux obtenus par les souris témoins. D’autre part, la flexibilité des synapses est préservée.
Les auteurs ont montré que les bêta-amyloïdes sont toxiques avant qu’ils s’agglomèrent en formant des plaques. Au départ, ils se retrouvent sous forme libre, puis s’agrègent en petits groupes, appelés oligomères. À ce stade, ils restent solubles et se promènent librement dans le cerveau. En outre, ils présentent une très forte affinité pour PirB. En se liant à la protéine de surface, ils déclenchent une cascade d’événements, ce qui aboutit à l’affaiblissement puis au dépérissement des connexions synaptiques.

Vers un futur traitement de la maladie d’Alzheimer ?

Si l’on veut entrer un peu plus dans le détail, la liaison entre les bêta-amyloïdes et le récepteur neuronal favorise l’activité d’une enzyme : la cofiline. Retrouvée en quantités élevées chez les patients atteints d’Alzheimer, elle découpe l’actinemolécule essentielle au maintien des synapses. Les connexions disparaissent alors, et le message nerveux ne passe plus. Les troubles cognitifs commencent à se manifester. Les plaques séniles pourraient donc ne pas être impliquées.
L’Homme, en revanche, ne synthétise pas la protéine PirB. Mais il existe un équivalent : LilrB2. Les auteurs ont réalisé la même expérience sur du tissu cérébral humain ne produisant pas cette protéine, et les synapses ont tenu bon.
Cette découverte apporte donc des éléments expliquant pourquoi les traitements contre la maladie d’Alzheimer visant à éliminer les plaques séniles ne fonctionnent pas : les dégâts sont causés en amont. Mais elle laisse entrevoir de nouveaux composés ciblant les interactions entre les bêta-amyloïdes et LilrB2. Cependant, cela suffira-t-il à soigner cette démence ? Difficile à croire, tant les causes semblent multiples. Mais c’est par un ensemble de petites victoires que les chercheurs feront peu à peu régresser la maladie d’Alzheimer.

20 septembre 2013

Chaque jour, Pierrette Martel se rendait voir sa mère au CHSLD qui porte le très chic nom de «Saint-Lambert-sur-le-Golf». Chaque jour, elle en sortait plus indignée.


Publié le 18 septembre 2013 à 23h59 |

Le détournement de justice d'Eddy Savoie

Le pdg Eddy Savoie qu'on voit ici avec... (Archives, Le Droit)
Le pdg Eddy Savoie qu'on voit ici avec des occupantes d'une des Résidences Soleil.
YVES BOISVERT
La Presse

Chaque jour, Pierrette Martel se rendait voir sa mère au CHSLD qui porte le très chic nom de «Saint-Lambert-sur-le-Golf». Chaque jour, elle en sortait plus indignée.







Souvent, le matin, on n'avait pas changé la «culotte d'aisance» de sa mère, délicieux euphémisme gouvernemental pour désigner les couches, comme vous le savez.
Ni le matin ni le midi...
Il manquait de personnel, elle n'était pas bien lavée, les heures des repas étaient ridicules, du moins c'est ce qu'elle et d'autres proches des pensionnaires constataient. Leur association a porté plainte à plusieurs reprises et a dénoncé la situation, notamment en compagnie des députés péquistes de la région, Martine Ouellet et Bernard Drainville, devenus ministres depuis. Toutes choses normalement permises en démocratie...
Un beau jour, pendant une manif devant le CHSLD, Mme Martel a le malheur de dire qu'il y a eu des cas de gastro-entérite et que «M. Savoie est allé voir les préposés pour leur dire de cesser de changer les résidants durant la nuit parce que leur budget était pété.» M. Savoie, c'est Eddy Savoie, président des Résidences Soleil, qui gère le CHSLD de Saint-Lambert en PPP. Les paroles de Mme Martel ont été reproduites dans le Courrier du Sud, un hebdo de Longueuil. M. Savoie ne l'a pas pris. Il a exigé une rétractation complète et des excuses.
Difficile de se rétracter: ça ressemblait beaucoup à ce qu'elle voyait tous les jours. Et puis, un représentant syndical avait dit la même chose quelques semaines plus tôt à TVA. Ah bon? Pas de rétractation? M. Savoie a déposé une poursuite de 400 000$ pour atteinte à sa réputation.  Le représentant syndical, dont les propos avaient été beaucoup plus largement diffusés, n'a jamais été embêté.
Mais Mme Martel, une retraitée qui touche 12 000$ par année, l'a été. On devine qu'elle n'a pas les moyens de se payer les services d'un avocat, encore moins de payer une somme aussi ridiculement élevée. Une cible de choix, en somme. Le message est assez clair: fermez-la.
C'est ce qu'a plaidé avec succès l'avocat Jean-Pierre Ménard, qui représente souvent des malades. Voilà un cas évident de «poursuite-bâillon», a conclu le juge Gary Morrison de la Cour supérieure, la semaine dernière. Le but est non seulement d'intimider Mme Martel, mais de passer un message à son association, au syndicat, aux journaux locaux, etc. Un des critères pour déterminer s'il s'agit d'une poursuite-bâillon est la disproportion des moyens. Entre cet homme d'affaires à la tête d'entreprises de plus de 1000 employés et cette retraitée, l'écart est facile à calculer. Se servir des tribunaux pour extorquer une lettre d'excuse et de rétractation, c'est «détourner les fins de la justice», conclut le juge. Même en admettant qu'il s'agisse de diffamation (c'est plutôt une critique légitime), jamais un juge n'accorderait une telle somme dans une affaire semblable, sans le moindre dommage.
Voilà une bonne demi-douzaine de jugements rendus en vertu de ces dispositions contre les «poursuites-bâillons» adoptées en 2009. Les juges demeurent prudents avant de rejeter carrément une procédure: un homme d'affaires prospère ou une multinationale a aussi droit à sa réputation... Mais dans plusieurs cas, on a fait fonctionner la loi, soit pour obliger la partie riche à financer la défense de l'autre, soit pour carrément rejeter la poursuite.
C'est surtout à la demande de groupes écolos que ce concept a été introduit dans notre droit. Des groupes de citoyens qui ne faisaient que s'opposer légalement à une construction résidentielle se faisaient poursuivre par des promoteurs, par exemple. Dans le cas des services de santé, et en particulier des soins de longue durée, ce genre de manoeuvre est encore plus odieux.
On a affaire ici aux plus démunis des démunis, les sans-voix, les oubliés. Encore heureux que des gens aient le courage et le coeur de parler pour eux! En entrevue cette semaine, pourtant, Eddy Savoie annonçait qu'il en appellerait. Il n'a pas l'air d'avoir bien saisi le message, et cet entêtement pourrait lui coûter cher: Mme Martel conserve en effet le droit d'exiger un dédommagement pour cette poursuite assez clairement abusive.
En attendant, on peut tout de même se réjouir de voir que la justice a les moyens d'écarter certains de ceux qui veulent «détourner son cours»...
« Pour comprendre la réalité des aidants, il faut la voir. » Grands reportages, le jeudi 19 septembre, à 20h.

Caroline Vadeboncoeur du RANCA

Isolement, appauvrissement et épuisement sont toutes des situations que les aidants naturels ont déjà vécues à un moment ou l'autre de leur vie. C'est pour mettre en lumière cette dure réalité que Caroline Vadeboncoeur, coordonnatrice au Regroupement des aidants naturels du comté de L'Assomption (RANCA), et Sylvie Rosenthal, réalisatrice et productrice, ont donné vie au documentaire Partenaire invisible, diffusé à l'antenne de RDI, dans le cadre des Grands reportages, le jeudi 19 septembre, à 20h.

Les deux femmes se côtoyaient depuis près de 30 ans et avaient elles-mêmes déjà été aidantes naturelles avant de plancher sur leur projet de documentaire. Caroline et Sylvie avaient aussi une idée bien précise en tête en se lançant dans cette grande aventure: « Nous voulions sensibiliser la population et tous les intervenants, pas seulement les gouvernements, afin que tout le monde s'implique dans ce dossier, explique Mme Rosenthal. Il faut suivre au jour le jour un aidant pour comprendre ses difficultés », renchérit sa collègue.
Une intrusion au cœur du quotidien des aidants
Le documentaire ouvre ainsi une fenêtre sur le quotidien de quatre aidants naturels de 34 à 61 ans, qui prennent soin de leur parent, enfant ou conjoint. Ils laissent entrer le spectateur dans leur intimité et dans le vif de l’action, ils partagent leurs émotions, leurs frustrations et proposent des solutions pour bonifier leur condition.
Il y a plusieurs dossiers qui requièrent du temps dans le chapitre des aidants naturels, estiment les scénaristes du documentaire Partenaire invisible, mais selon elles, la reconnaissance de leur travail est prioritaire : « Tant qu'il n'y aura pas de politique qui reconnaîtra clairement le travail des aidants, il n'y aura pas de budget alloué en ce sens », revendique Mme Rosenthal.
Elle ajoute qu'avant de s'investir dans la réalisation du film, elle ignorait qu'elle avait été elle-même une aidante naturelle, elle qui avait pourtant été au chevet de son père atteint du cancer durant un an.
L'après-aidante…
Coordonnatrice au RANCA depuis maintenant sept ans, Caroline Vadeboncoeur a, quant à elle, pris soin au quotidien de sa mère durant 30 ans. Dans son cas, c'est l'« après-aidante » qui s'est avérée une étape difficile. « On a été si longtemps isolé que retourner vivre en société après toutes ces années peut être déstabilisant. » À l'époque, le RANCA avait un poste à combler et c'est grâce à cet heureux hasard de la vie que la femme apprend tranquillement à revivre.
Elle découvre aussi qu'il existe différents types d'aidants. « On pense souvent aux personnes âgées, mais il y a aussi des parents et leur enfant handicapé, qui eux, remplissent le rôle d'aidant à vie, et qui, malgré leur bonne volonté, manquent souvent de soutien. »
Mme Vadeboncoeur signale en ce sens que la plupart des programmes gouvernementaux offerts aux aidants s'adressent seulement aux aidés de 65 ans et plus. « Les autres ne peuvent pas en bénéficier, ce qui est discriminatoire et c'est aussi pour ces raisons que j'ai eu envie de faire comprendre à la population les difficultés de ce monde. Et pour comprendre la réalité des aidants, il faut la voir », insiste-t-elle en invitant les gens à visionner le documentaire.
Le tournage du documentaire a été réalisé en une vingtaine de jours plus tôt cette année. On pourra y suivre les aidants et leurs aidés, ainsi que la coordonnatrice dans le cadre de ses fonctions. « C'est une lutte qui va finir par aboutir, mais je ne sais pas quand et j'espère que ce jour arrivera bientôt parce qu'en attendant, il y a de la souffrance qui se vit […] sans compter que le vieillissement de la population n'arrangera rien à la situation », conclut Mme Vadeboncoeur.