22 juin 2013

Les dérives d'un système qui ne vit que pour lui-même !


Les aidants naturels au bout du rouleau


Karyne Laplante doit constamment veiller sur sa mère, Murielle Godbout.
Cynthia Giguere-Martel








Publié le 22 Juin 2013 
Cynthia Giguere-Martel



Karyne Laplante doit constamment veiller sur sa mère, Murielle Godbout.


Une pétition a été déposée pour obtenir un régime d'aide financière décent

Devoir laisser son travail pour s'occuper d'un proche est chose courante pour les aidantes naturelles. Au Québec, l'on recense environ 300 000 personnes dont leur quotidien se résume à veiller, prodiguer des soins et soutenir moralement un enfant, un conjoint, un parent ou bien un ami, tout ça, dans un stress constant. Le programme de sécurité du revenu étant insuffisant pour subvenir à tous les besoins, elles sont nombreux à vivre en situation de précarité.
Sujets : 
Centre local d'emploi , CLE , Assemblée nationale par la députée de HullSaint-Germain , Québec , CHSLD
C'est le cas notamment de Karyne Laplante, résidente de Saint-Germain, qui peine à joindre les deux bouts. Depuis l'automne dernier, elle doit s'occuper de sa mère, Murielle Godbout, qui est aux prises avec plusieurs problèmes de santé.
L'histoire commence en 1998 alors que Mme Godbout fait un infarctus au moment où le dentiste Pierre Dupont lui pose des implants buccaux. Ce dernier, maintenant radié par son ordre, lui a administré une trop grande quantité de médicaments. En juillet 2000, elle doit subir une greffe cardiaque affectant grandement son système immunitaire. Depuis, les problèmes de santé s'accumulent.
Mme Godbout pouvait compter sur l'aide de son mari jusqu'au jour où il est entré à l'hôpital, le 8 octobre 2012. Il n'y est jamais ressorti.
«Il est décédé le 31 octobre. J'ai choisi de prendre soin de ma mère, car je ne veux pas la placer en CHSLD. Je trouve qu'elle a subi assez de deuils ces dernières années en plus d'une dépression et de tous les effets secondaires des médicaments. Elle se laisserait mourir…», explique Mme Laplante, fille unique.
Sa mère a constamment besoin de soins. Par la force des choses, Mme Laplante est donc confinée à la maison, selon ses propos.
«Je suis artisane et je vends mes produits dans les salons d’art du Québec. Depuis le mois d’octobre, j’ai seulement livré les commandes placées par mon distributeur. Je n’ai plus de temps à consacrer à la production. Je ne pourrai donc plus faire les salons. Ainsi, mes revenus sont devenus pratiquement nuls», laisse-t-elle tomber.
Mme Laplante est à bout de souffle. La prestation de l'aide sociale qu'elle reçoit permet uniquement de couvrir les frais de base. Elle estime qu'il est difficile d'obtenir du soutien financier acceptable.
«J'ai de la difficulté à arriver chaque mois. Si ma mère ne payait pas l'épicerie, je ne pourrais pas manger adéquatement. J'ai scrapé mon crédit et je suis même sur le bord de la faillite… J'ai fait une demande dans un Centre local d'emploi (CLE) pour avoir du soutien financier, mais ce n'est pas possible. Je dois vivre de l'aide sociale» précise-t-elle avec désespoir.
«Ce que je trouve déplorable, c’est que si ma mère était placée, elle coûterait une petite fortune au gouvernement, mais comme je la garde dans sa maison, je ne reçois rien… Je n’espère pas que le gouvernement me verse un salaire de 12 $/heure, 20 h par jour 7 jours par semaine. Je ne souhaite pas non plus recevoir ce que ça coûterait au gouvernement en soins pour elle. Je souhaite seulement pouvoir recevoir une aide financière raisonnable (autre que l’aide sociale) qui me permettrait de faire les paiements du mois», affirme-t-elle.
Pétition
Mme Laplante est consciente qu'elle a mis sa vie professionnelle de côté par choix pour s'occuper de sa mère. Mais ce choix qu'elle a fait est noble et tous les aidants qui sont dans cette même situation ne devraient pas être pénalisés selon eux. C'est pourquoi de nombreuses personnes et plusieurs regroupements se sont unis afin de signer une pétition.
Celle-ci a été déposée le 15 mai dernier à l'Assemblée nationale par la députée de Hull, Maryse Gaudreault. Un total de 1649 personnes l'ont signée.
Les signataires demandent un régime d'aide financière indépendant du programme de sécurité du revenu et que ce régime élimine toute contrainte que l'on retrouve à l'aide de dernier recours. De plus, ils réclament que le revenu du proche aidant soit égal aux sommes versées aux familles d'accueil pour s'occuper de personnes de conditions semblables.
Finalement, ils souhaitent que ce régime d'aide offre aux aidants désirant continuer à travailler, un soutien financier suffisant pour couvrir les frais de service d'aide à domicile nécessaires.
Sur la page Facebook «Pour le soutien des aidants naturels du Québec», on peut y lire que la pétition sera débattue en Commission parlementaire au début de la prochaine session, en septembre prochain.
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Un autre article qui parle du soutien que l'État offre à ces citoyennes : 

Aidants familiaux, on rit de nous!

« Ces derniers jours, j'ai vu passer une vidéo sur les aidants familiaux et le crédit d'impôt. Quand j'ai pris le temps de la regarder, vous ne pouvez même pas imaginer comment j'étais révoltée! »

Voir l'article  : On rit de nous !
Publié le 18 mars 2013 à 06h00 | Mis à jour le 18 mars 2013 à 08h40    

19 juin 2013

Ça ne se passe pas seulement qu'en Fance !


Un regard tendre et empathique sur les âgés

Après le succès de son premier court métrage « Champagne » sur la sensibilisation des risques de chutes à domicile, Olivier Ducray, intéressé par la question de l'âge et de nos aînés, s'est lancé dans un nouveau projet de long métrage « Les anges anonymes ». En suivant pendant un an à Lyon le quotidien de Françoise, une infirmière exceptionnelle, le jeune réalisateur montre comment la venue d'une aide au domicile des personnes âgées est essentielle pour leur maintien à domicile mais aussi pour les sortir de leur isolement. Rencontre avec un passionné humaniste.
Un regard tendre et empathique sur les âgés
La question de l’isolement et de la solitude chez les personnes âgées
« J'ai toujours eu de l'attachement et de l'empathie pour les personnes âgées. Surtout quand je les vois dans la rue, essayant de marcher dans le rythme infernal qui les entoure, j'ai l'impression qu'elles sont de petites choses au milieu de la jungle urbaine », explique-Olivier Ducray.

C'est cet amour des âgé-e-s et la volonté de dénoncer l’isolement et la solitude dont souffre une partie de cette population,  qui ont poussé Olivier Ducray à réaliser un film d'auteur sur la tournée d'une infirmière à domicile pendant un an.

Mais plus encore, il a souhaité rendre visibles celles et ceux qu'on ne veut pas voir, et contribuer à lever le tabou :  « J'ai toujours été étonné qu'on ne veuille pas regarder la vieillesse en face. A écouter la société, on croirait une maladie orpheline, qui ne touche que quelques cas. Je me demande ce qui s'est passé dans la société française pour que cela se passe comme ça. Ce n'est pas un signe de bonne santé de notre pays ».

De l’empathie au lien social
Lors des tournages, une fois par mois, le réalisateur et son cadreur (caméraman) rencontrent de nombreux âgés, avec une préoccupation majeure : au-delà du personnage de Françoise, connue dans tout le 3e arrondissement de Lyon depuis 33 ans qu'elle exerce pour être une bonne fée des âgé-e-s, c'est la relation de l'infirmière avec des personnes en souffrance, en particulier en raison de la solitude, qui l'intéresse.
« Françoise dans son travail est à la fois  tendre et dure. Elle ne cherche pas à enjoliver les choses. Mais elle aime son métier et a une empathie immense », dit-il.
Et c'est ce que le cinéaste cherche à montrer : comment cette empathie peut recréer le lien social et l'humanité dans la relation qui manquent trop souvent aux personnes seules et fragiles.

Françoise, une professionnelle hors norme
Mais si Olivier Ducray a pu réaliser son film, rentrer en relation avec les âgé-e-s et obtenir facilement les autorisations de tournage de leur part et de celle de leur famille, c’est aussi et surtout grâce à cette infirmière exceptionnelle.
Françoise est en effet un personnage rêvé pour à la fois sa gouaille, son franc parler, son énergie mais aussi pour l'amour qu’elle porte à son métier et la passion qui l’anime pour l’exercer.
Elle est totalement dans ce que nous appelons « le care », la sollicitude envers les autres, tout en gardant toujours la distance nécessaire à son statut professionnel.

Elle parle de sa pratique et souligne que les politiques publiques peinent à valoriser un métier qui est beaucoup plus que les quelques actes de soins (il y a quantité d'autres tâches gratuites sans nomenclature et donc mal reconnues).
Le réalisateur explique qu’elle fait ce que tant d'autres ne font pas : parler, valoriser, bousculer parfois les âgé-e-s : « elle est un peu leur starter tous les matins », selon ses propres mots.

Aussi, l’infirmière déplore parfois l'incompréhension des proches, qui, d'un seul coup se retrouvant confrontés au vieillissement de leurs parents, sont totalement démunis.
De fait, le réalisateur espère, qu'avec le film qui dévoilera la vie des personnes âgées, « le regard du  spectateur en sera modifié».

Outre les scènes de soin, le film fera parler Françoise, qui commente souvent à la caméra ce qui vient de se passer, et interviewera aussi des patient-e-s : « Cela donne des moments géniaux d'interpellation », explique Olivier Ducray, « il n'y a pas plus direct dans leur expression que des personnes de 90 ans ». 

Pour lire la suite : Les anges anonymes

17 juin 2013

L'exploitation des femmes, ... planifiée ? Ça reste à voir !


De la FÉDÉRATION DES FEMMES DU QUÉBEC :

L'Assurance-autonomie : Attention à l'exploitation des femmes !

Montréal, le 31 mai 2013 — La Fédération des femmes du Québec (FFQ) prend acte du dépôt,  par le ministre de la Santé, Réjean Hébert, du livre blanc sur la création d’une assurance autonomie. La FFQ partage le principe qui sous-tend ce livre blanc, soit de permettre aux personnes en perte d’autonomie de demeurer le plus longtemps possible à domicile, lorsqu’elles le désirent. Cependant, elle estime que les grandes orientations qui s’y trouvent, dont la principale est celle d’un virage vers les soins à domicile, soulèvent d’importantes questions.
« Les groupes de femmes se souviennent très bien du virage ambulatoire qui a reposé en grande partie sur les épaules des femmes, mères, conjointes et proches aidantes disposant de ressources inadéquates et rendant plus difficile la conciliation travail-famille. Le nouveau virage entrevu ne doit pas reproduire ces conditions. Les proches aidantes ne doivent plus être considérées comme des aidantes “naturelles”, vieux terme qui refait surface dans le livre blanc, » indique la présidente, Alexa Conradi.
La quantité et la qualité des services, en ce qui concerne le personnel et les ressources financières, doivent être adéquates et rien ne nous rassure sur ce point. « Comment faire en sorte que les personnes, en majorité des femmes, qui dispensent les soins de tous ordres aient des conditions salariales équitables et décentes, ce qui n’est pas le cas, à l’heure actuelle, pour certaines d’entre elles. Est-ce que cela sera corrigé à travers les ressources financières affectées à ce virage? », s’interroge la présidente.
Les femmes représentent la majorité des personnes âgées en perte d’autonomie : nous savons qu’en général, elles vivent plus longtemps et sont plus pauvres que les hommes et plus nombreuses à vivre seules. Aussi, faut-il le rappeler, la violence à l’endroit des femmes aînées existe et elle provient parfois des personnes qui prennent soins d’elles. Les soins dispensés doivent donc être planifiés et modulés en tenant compte de ces réalités. La notion de soins doit comprendre une dimension sociale afin que les personnes âgées seules ne sombrent pas dans l’isolement.
Enfin, la FFQ préfère le recours au système d’imposition, moins régressif qu’une assurance. Les taxes peuvent être discriminatoires à l’endroit des femmes si elles doivent, en raison de leurs faibles revenus, payer une proportion plus élevée que les hommes pour obtenir le même service.
Pour toutes ces raisons, la FFQ rappelle au gouvernement l’importance d’effectuer une analyse différenciée selon le sexe dans l’élaboration des politiques et des mesures à mettre en œuvre afin que le virage vers les soins à domicile ne rime pas avec l’exploitation et l’isolement des femmes.
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Source : Cybel Richer-Boivin
Responsable des communications
Fédération des femmes du Québec
514-717-4847 – crboivin @ffq.qc.ca

6 juin 2013

Bafouer une fois de plus le travail des femmes !


Assurance autonomie - La persistance de la dévalorisation du travail des femmes

Louise Boivinpar Louise Boivin, professeure au Département de relations industrielles de l'UQO, membre de l'ORÉGAND et duRéQEF-UQO
Les économies sur le coût des services de soins à domicile que promet le ministre de la Santé Réjean Hébert avec son projet d’assurance autonomie risquent de se faire sur le dos des employées qui dispenseront les services.

Travail précaire, rémunération faible et rôle traditionnel

Nous avons réalisé une étude en 2011 et 2012 sur la situation des travailleuses employées par des prestataires privés intégrés aux réseaux locaux de services au Québec et dispensant des services d’aide à domicile comprenant de l’assistance personnelle (soins d’hygiène, aide à l’alimentation, etc.). Nous avons constaté que leur rémunération est très faible, représentant dans le cas des travailleuses d’entreprises d’économie sociale et du programme du Chèque emploi-service autour de 50% du salaire des travailleuses du secteur public effectuant des tâches similaires, sans compter la différence sur le plan des avantages sociaux et des primes. De plus chez les prestataires privés, les horaires de travail sont souvent à temps partiel et les affectations ainsi que le temps rémunéré sont fragmentés sur plusieurs périodes de la journée. D’autres études québécoises portant sur la situation des employées des agences de location de personnel dispensant de tels services ont montré la forte tendance aux horaires à temps partiel aux très bas salaires chez ces types de prestataires de services. Une proportion considérable des travailleuses d’agences sont des femmes d’origine immigrante et provenant des minorités visibles; leur confinement dans ces emplois précaires peut s’expliquer par les obstacles qu’elles rencontrent sur le marché du travail, dont la discrimination.


Accéder au document completDévalorisation du travail des femmes

Merci madame Boivin au nom de toutes les femmes qui travaillent comme préposées aux bénéficiaires et qui sont la main-d'oeuvre bon marché du ministre de la Santé. Continué votre beau travail, vous nous aidé. 






5 juin 2013

La sous‑traitance dans le secteur public: coûts et conséquences

Institut de recherche et d’informations socio-économiques
Publié le 5 juin 2013
par Guillaume Hebert, Minh Nguyen, Hélia Tremblay-de Mestral et Simon Tremblay-Pepin

Cette étude se penche sur les conséquences de la sous‑traitance dans le secteur public au Québec. Après un tour d’horizon des publications scientifiques sur la sous‑traitance, trois secteurs sont passés en revue : la Société des alcools du Québec, les contrats informatiques du gouvernement du Québec et les ressources intermédiaires pour l’hébergement des personnes âgées. EN PAGE 40 DU DOCUMENT. L’étude rassemble les tendances similaires qu’on voit transparaître dans ces domaines pourtant très différents où la sous‑traitance est présente.
Accéder au document complet : Étude sur la sous-trainance des Résidences intermédiaires

4.4.3 Le personnel, la « pierre angulaire » ?

C’est précisément sur cet aspect que met l’accent le Regroupement provincial des comités d’usagers (RPCU), qui remet même en question, au bout du compte, la véritable utilité des visites d’appréciation. Selon un comité mis sur pied par le Regroupement, les visites ministérielles et autres peuvent fonctionner lorsqu’il s’agit d’évaluer le respect ou non de protocoles de fonctionnement, mais elles ne permettent pas d’évaluer la qualité des soins en soi, qui est selon eux difficilement traduisible par des grilles d’évaluation quantitatives.

La solution résiderait alors dans une concentration des efforts portant sur le contact humain et donc sur «la compétence, le professionnalisme, le respect et l’empathie des employés». Pour le Regroupement, il s’agit de la « pierre angulaire » en ce qui a trait à la qualité de l’hébergement. Or, comme les tâches à accomplir deviennent, par ailleurs, de plus en plus complexes et que le personnel doit être de mieux en mieux formé, c’est l’inverse qui risque de se produire actuellement dans l’évolution des ressources
intermédiaires. Les conditions de travail inférieures y génèrent en effet un roulement de personnel dont les effets nuisent beaucoup au maintien et au développement de l’expertise au sein des installations d’hébergement privé.

Le MSSS reconnaît lui-même que le roulement de personnel est « important » dans les résidences pour personnes âgées et il en déduit qu’il faut faire preuve de flexibilité dans l’embauche, même si cela signifie laisser les propriétaires de résidences privées s’assurer eux-mêmes du profil adéquat des personnes recrutées.

Dans un article publié par La Presse sur la RI Villa Sainte- Anne, on rapporte qu’une résidente avait reçu son bain par 17 préposées différentes sur une période d’un an seulement. On devine bien que ce genre de pratique est fort désagréable pour une personne âgée, considérant le niveau d’intimité dont il est question.

Ces faits concordent avec les principales conclusions d’une importante étude réalisée au Canada par l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP). L’étude de Margareth McGregor et Lisa A. Ronald explique comment et pourquoi les établissements d’hébergement à but lucratif sont plus susceptibles d’offrir des services inadéquats. Les auteures s’inquiètent d’observer qu’en dépit de ces constatations, la tendance canadienne privilégie nettement un élargissement du réseau privé. Leur principale recommandation vise donc à contrer les coupures que sont tentés d’apporter à leur personnel les établissements privés et à leur imposer des « ratios minimaux de dotation en personnel ».

Au Québec, des études comparatives appliquées au secteur du soutien à domicile ont déjà montré comment les travailleurs et travailleuses non syndiqués du secteur privé pouvaient gagner un salaire de 40 % à 50 % inférieur à celui d’une travailleuse ou d’un travailleur syndiqué rattaché à un Centre local de services communautaires (CLSC).

Enfin, par définition, les travailleurs et travailleuses des RI ne peuvent offrir tous les soins qu’offrent ceux et celles des CHSLD. D’abord, comme il suffit de compléter une formation d’à peine 9 heures (le cours complet  de PAB est exigé depuis le 13 mars 2013) pour travailler en RI, il est évident que les compétences ne sont pas les mêmes que celles d’un infirmier ou d’une infirmière possédant un diplôme collégial ou celles d’un·e préposé·e aux bénéficiaires pourvu d’un diplôme d’études professionnelles de 630 heures. De plus, ces employé·e·s ne peuvent offrir autant de services aux personnes hébergées, faute d’accès à des ressources suffisantes, le meilleur exemple étant les médicaments, une dépense entièrement couverte dans les CHSLD, mais qui revient à la charge des résident·e·s (et de leur assurance privée ou publique) dans les RI.

4.5 Conclusion sur les ressources intermédiaires

Comme nous avons pu le voir, l’utilisation des RI pour l’hébergement des personnes âgées, bien qu’encore marginale, est en forte croissance au Québec et les ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé semblent favoriser cette option. Cela est d’autant plus vrai qu’alors que les RI prennent de plus en plus d’espace, les places en CHSLD diminuent.

Cependant, selon les données même fournies par le Ministère pour les études de crédits, les coûts totaux d’une place en CHSLD sont à peu près équivalents aux coûts d’un hébergement en RI. La croissance importante des coûts des RI peut sans doute s’expliquer par la part de profit que s’octroient certains propriétaires. Le seul avantage du gouvernement est alors d’éviter d’ajouter à sa dette le poids de ces infrastructures.

Enfin, il est difficile d’obtenir un portrait clair du niveau de qualité dont bénéficient les résident·e·s d’installations d’hébergement gérées en sous-traitance, comme le sont les RI au Québec. Chose certaine, les visites d’appréciation, aussi favorables soient-elles actuellement à l’amélioration des pro- cédés internes, ne constituent pas un rempart contre les mauvaises pratiques d’hébergement, voire contre des mauvais traitements scandaleux. Les suivis et l’exhaustivité des visites, surtout en ce qui a trait au privé, laissent à désirer. En outre, de nombreux observateurs s’entendent sur le principe que la compétence du personnel est centrale pour parvenir à un hébergement de qualité. À cet effet, là encore, le roulement de personnel qui caractérise le secteur privé tend à associer la soustraitance à une qualité inférieure des soins. 

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LIVRE BLANC SUR L’ASSURANCE AUTONOMIE
03 juin 2013
Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

Le Livre blanc sur l’assurance autonomie présenté par le ministre Réjean Hébert le 30 mai, sous un sympathique discours bien enrobé, ajoute en fait des obstacles à l’accessibilité et à la gratuité des services de soutien à domicile.

Actuellement, les personnes âgées en perte d’autonomie qui ont besoin de bains et de soins d’hygiène à la maison bénéficient des services gratuits des auxiliaires familiales et sociales des CLSC. Le Livre blanc propose que ces services soient dorénavant prodigués par les entreprises d’économie sociale en aide domestique, les EESAD.

Introduction d’une tarification

Or les services des EESAD ne sont pas gratuits, même si les taux horaires sont établis en fonction du revenu. Ils sont fournis par des personnes moins qualifiées que les auxiliaires familiales et sous-payées (1). Une partie d’entre elles vit même sous le seuil de la pauvreté.

Les EESAD devraient plutôt limiter leur mandat à l’entretien ménager, ce qui avait été convenu entre le gouvernement, le milieu syndical, le milieu coopératif, celui des affaires et une partie de la société civile, au Sommet socioéconomique de 1996.

Pour suivre ce dossier, il faut comprendre le jargon du ministère. Les AVQ, ce sont les activités de vie quotidienne : les bains, les soins d’hygiène, etc. actuellement donnés par les auxiliaires familiales des CSLC. Les AVD, ce sont les activités de vie domestique : entretien ménager, préparation de repas sans diète, etc.,  services dispensés par les EESAD.

Voici l’extrait précis du Livre blanc qui propose que les AVQ soient données principalement par les EESAD : « Les services d’assistance aux AVQ sont offerts principalement par les entreprises d’économie sociale en aide domestique (EESAD) ou par des organismes privés (résidences privées pour aînés) et, sur une base d’exception pour des cas particuliers, par le CSSS » (p. 25).

Et voici l’extrait qui refile la facture aux usagers : « De leur côté, les services d’assistance aux AVQ pourraient impliquer une contribution financière de la personne, alors que cette contribution est maintenue pour les services d’aide aux AVD. Cette participation tient compte de la fréquence et de l’intensité des services fournis et du revenu de la personne ou du ménage dans lequel elle vit. La contribution ne devrait pas constituer un obstacle au maintien de la condition de la personne et à l’accès aux services. »  (p. 24).

Je milite au sein d’une association de défense des droits des retraités et nous avons toujours constaté que, lorsque les taux horaires des EESAD augmentent, en ce qui concerne les services actuels d’entretien ménager, la clientèle se prive des services requis.

On peut penser que le même problème surgira si les bains, etc. sont tarifés. De plus, selon les témoignages des usagers, les auxiliaires familiales sont parmi les intervenantes les plus appréciées à domicile.


Personnes handicapées : menace « possible » sur la gratuité


Pire : le Livre blanc évoque la possibilité que les personnes handicapées, qui reçoivent actuellement des services gratuits en raison d’un Décret adopté en 1988, soient possiblement tenues de payer leurs services : « Pour les personnes handicapées, le gouvernement du Québec a reconnu en 1988 un principe visant la compensation des conséquences financières des limitations fonctionnelles dans la détermination de l’aide matérielle qui leur est accordée. Il est par ailleurs spécifié que cela doit se faire uniquement « pour les dépenses essentielles à l’intégration d’une personne handicapée, selon la solution la plus économique et des modalités précises ». Ces spécifications sont prises en compte dans la réflexion sur une possible contribution financière. » (p. 24) (c’est moi qui souligne).

Voilà maintenant qu’une épée de Damoclès est suspendue sur la tête des personnes handicapées, en attendant la décision finale du ministère.


Propositions


Voici, à titre personnel, quelques propositions pour bonifier de façon importante le projet d’assurance autonomie du ministre. Ce sont des mesures costaudes, seules susceptibles de donner des résultats favorisant un soutien à domicile réel.

1. Le respect du consensus de 1996

Lors du Sommet socioéconomique de 1996, il avait été convenu par les partenaires , concernant le chantier des EESAD,  de ne pas substituer les emplois décemment rémunérés du secteur public par des employés sous-payés dans l’économie sociale.

Les partenaires ne voulaient pas confondre la mission des CLSC (AVQ - soins à la personne via les auxiliaires familiales et sociales) et celle des EESAD (AVD - l’aide domestique au sens large).

L’existence du consensus de 1996 a été rigoureusement documentée par les chercheurs Yves Vaillancourt et Christian Jetté (2). Il faudrait que le ministre respecte ce consensus : le MSSS ne doit pas financer l’élargissement de la mission des EESAD mais se limiter à financer leur mission initiale, l’entretien ménager.

Le consensus de 1996 est-il désuet ? La lutte contre l’appauvrissement des femmes n’a-t-elle autant sa place en 2013 qu’en 1996 ?

2. Auxiliaires familiales et sociales des CLSC et activités de vie quotidienne (AVQ)

Les auxiliaires familiales et sociales des CLSC font un travail indispensable dans le soutien à domicile et elles sont directement en lien avec les autres membres de l’équipe. Il faudrait doubler, d’ici quatre ans, leur nombre.

Cette proposition implique que les AVQ doivent être accessibles gratuitement et continuer à être offertes directement par le réseau public.

En 2012, il y a dans le réseau 5032 postes équivalents temps complet (ETC) d’auxiliaires familiales et sociales (appelées maintenant par les technocrates : auxiliaires aux services de santé et sociaux - ASSS). Il en faudrait donc environ 5000 de plus.

3. Activités de vie domestique (AVD) et accessibilité des services  pour les plus démunis

La politique de financement et d’accessibilité de l’assurance autonomie devrait faire en sorte que les personnes âgées touchant une partie ou la totalité du supplément de revenu garanti (SRG) bénéficient d’une politique de gratuité totale des services des EESAD.

Il faudrait qu’elles jouissent d’une exonération totale de la tarification, compensée par la RAMQ (via le PEFSAD, le programme d’exonération financière des services d’aide à domicile).

Cette proposition implique que les AVD continuent à être offertes par les EESAD et soient accessibles gratuitement aux plus démunis.

4. Activités de vie domestique (AVD)  et accessibilité des services pour la classe moyenne

La politique de financement et d’accessibilité de l’assurance autonomie devrait faire en sorte que les personnes âgées de la classe moyenne ne soient pas contraintes de se priver des services requis par leur état. Cette proposition implique que les AVD continuent à être offertes par les EESAD et soient accessibles à un coût raisonnable pour la classe moyenne.

Les propositions 3 et 4 pourraient entraîner un développement important des EESAD dans leur champ propre des AVD. En favorisant l’accessibilité, on dispense davantage de services et on crée des emplois : il y a actuellement 6700 employées dans les EESAD, tous titres d’emplois confondus.

5. Salaires décents pour les femmes, peu importe le dispensateur de services

Pour assurer des services de qualité, dispensé par du personnel dont le taux de rotation n’est pas trop élevé, parce que tout travail mérite un salaire digne et parce qu’il faut éviter la création de ghettos d’emplois féminins sous-payés, il faudrait que, dans le cadre des politiques ministérielles, aucune employée d’une ressource intermédiaire, d’une EESAD ou d’une entreprise privée concernée par l’assurance autonomie ne touche un salaire qui la place sous le seuil de la pauvreté, soit un salaire horaire inférieur à 11, 37 $ (indexé annuellement). Le salaire minimum est actuellement de 10,15 $ (3).

La faible rémunération est un des facteurs qui expliquent le taux de rotation élevé du personnel dans les EESAD de la région de Montréal, qui est de 50 % annuellement. Il est moindre dans les autres régions. On constate que les employées des EESAD, sous-payées, se trouvent, par exemple, un emploi syndiqué dans un hôtel (en entretien ménager, secteur où les EESAD les ont formées) dès qu’elles en ont la possibilité.

Mesures costaudes, oui, mais sans cela, le projet d’assurance autonomie, ce sera de belles paroles.

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