24 avril 2013

Un personnel invisible d'Anne-Marie Arborio




Photo : La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot« Quand on investit 500 millions, on en a pour notre argent ; c’est le même phénomène que pour les garderies », affirme le ministre de la Santé, Réjean Hébert.

Un portrait des aides soignantes, ou préposées aux bénéficiaires présenté par :

Un personnel invisible
Anne-Marie ArborioUn personnel invisible. Les aides-soignantes à l'hôpital, Economica, coll. « sociologiques », 2012, 334 p., Ed. augmentée d'une préface de l'auteur, ISBN : 978-2-7178-6533-2.
Economica, coll. « sociologiques », 2012, 334 p., Ed. augmentée d'une préface de l'auteur, ISBN : 978-2-7178-6533-2.

C’est une enquête exemplaire que viennent de rééditer opportunément, augmentée d’une préface de l’auteur, les éditions Economica. La diversité des matériaux, des points de vue et des échelles d’observation permet d’éclairer le présent en montrant ce qu’il doit au passé (le dépouillement d’archives permet ainsi de retracer l’invention de la catégorie d’aide-soignante), de mettre en relation des analyses macrosociologiques (une analyse secondaire de l’enquête sur l’emploi de l’INSEE et une analyse des données sur le personnel d’un établissement de l’Assistance Publique) et des biographies individuelles, de confronter l’observation directe des pratiques de travail à des entretiens biographiques.

Cette enquête a pour objet « le métier d’aide-soignante ». Il s’agit d’une population féminine à 90 %, qui se recrute dans les classes populaires. Le capital scolaire des aides-soignantes permet d’y distinguer des générations successives liées à l’existence d’une double voie de recrutement - formation « sur le tas »/formation scolaire - et à l’élévation du « droit d’entrée » - création en 1996 d’un Diplôme Professionnel d’Aide Soignante puis ouverture d’un bac professionnel. L’interrogation initiale (conservée dans le titre de l’ouvrage : « Un personnel invisible ») est issue de l’apparente contradiction entre l’importance de ses effectifs (environ 350 000) et sa « relative invisibilité ».

Mais, cette interrogation de départ cède la place à un ensemble d’enjeux théoriques : 1°) l’existence sociale d’un groupe délimitable par sa définition nominale ; 2°) la prise en charge du « sale boulot » (Everett Hughes) ; 3°) les « carrières horizontales » (Howard Becker) ; 4°) les métiers construits comme « féminins » (définis par l’investissement de compétences acquises dans l’univers domestique : nettoyage, hébergement) ; 5°) les employés « à statut » ; 6°) le rôle des aides-soignantes dans la définition du statut social du malade.

Le compte rendu de l’enquête est distribué en six chapitres. Le premier reconstitue l’histoire des hiérarchies et carrières dans l’histoire du personnel secondaire des hôpitaux : la naissance de l’infirmière et du personnel paramédical laïque et spécialisé, la construction de la catégorie d’aide-soignante « inventée (au cours des années 1950) pour prendre en charge des tâches, de type domestique, autrefois réservées aux infirmières » (p. 64).

Le deuxième chapitre s’interroge sur la « consistance sociale » (Maurice Halbwachs) du groupe des aides-soignantes. Si la catégorie d’aide-soignante est une « invention du droit mettant en ordre une situation réelle » (p. 65), cette « identité nominale » coïncide-t-elle avec une « identité réelle » ? Dans une perspective « objectiviste », Anne-Marie Arborio établit d’abord un inventaire des « choses » associées au titre d’aide-soignante : la statut d’agent public, une formation (la plus courte des formations paramédicales), une définition minimale des tâches, une position subordonnée en dépit d’un « souci de professionnalisation » (dont témoignent l’existence d’une revue et d’associations professionnelles), la construction statistique de la catégorie, un métier très féminisé chargé des « tâches intermédiaires entre le ménage et le soin » (p. 89), un métier socialement proche des Agents de Service Hospitalier (appartenance commune aux classes populaires, position située au bas de la hiérarchie sociale en matière de recrutement scolaire, de recrutement social et de préférence conjugale).

Outre ces « choses » associées au titre d’aide-soignante, le troisième chapitre met en évidence un ensemble de caractéristiques du métier. 1°) Situées « au bas de la hiérarchie des métiers paramédicaux » (p. 4), les aides-soignantes occupent une position intermédiaire dans la hiérarchie hospitalière entre infirmières et Agents de Service Hospitalier. Vouées aux « tâches les plus basses d’assistance au malade », elles ont en charge la « face cachée du processus thérapeutique ». 2°) Mais leur métier peut être également défini comme un travail sur un « matériau humain », un « travail sur l’homme » (Erving Goffman) ou sur le « monde des choses humaines », qui le distingue du travail sur « le monde des choses matérielles » (Maurice Halbwachs), associé à une « compétence relationnelle » (p. 108) valorisée par les AS (cf. « sentimental work » d’Anselm Strauss) qui les inclut dans « le monde des soignants » (p. 113). 3°) Le métier d’aide-soignante correspond à une position dans la division du travail associée au principe de « délégation du sale boulot » à tous les niveaux de la hiérarchie hospitalière (une partie du dirty work de l’infirmière échoit à l’aide-soignante, p. 119). Cette délégation n’implique pas pour autant une assignation stable : une part d’indétermination du travail et d’autonomie du travailleur subsiste, donnant lieu à des stratégies d’acceptation, d’évitement ou de délégation du « sale boulot ». 4°) Au métier d’aide-soignante correspond un « savoir-soigner » profane (care) et un « savoir-lire le social » (« savoir-juger les besoins des malades »).

Les trois derniers chapitres étudient et classent les carrières d’aides-soignantes, distinguant, d’une part, les aides-soignantes « produites » par l’école  de celles qui se sont reconverties, plus ou moins tardivement, en telle ou telle occasion, en aide-soignante ou encore les promotions d’agent de service hospitalier à aide-soignante, d’autre part, les « carrières verticales » (« carrières modèles » d’agent, à aide-soignante et d’aide-soignante à infirmière) et les « carrières horizontales » (Howard Becker) (semblables par le prestige ou le revenu, les postes d’aides-soignantes sont suffisamment différenciés pour que la mobilité d’un poste à l’autre puisse être lue en termes de carrière : cf. « quasi-infirmière »).

Méthodologiquement exemplaire, théoriquement bien construite, l’enquête d’Anne-Marie Arborio invite, par ailleurs, à mieux situer le groupe des aides-soignantes dans le cadre des classes populaires auxquelles elle les rattache. De ce point de vue, son enquête suggère que cet espace des classes populaires n’est sans doute pas seulement hiérarchisé de haut en bas, mais peut-être aussi ordonné par la division entre « monde des choses humaines » (plutôt féminin) et « monde des choses matérielles » (plutôt masculin), etc.




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Baluchon Alzheimer


Excellente vidéo à voir, partagé par l'organisme Baluchon Alzheimer


La maladie d'Alzheimer, Serge Gauthier, M.D., FRCPC



Merci à Chantal de Facebook pour ce lien :


Ce livre intitulé « La fabrique de malades » par le Dr Sauveur Boukris est un réquisitoire à la fois très documenté et facile à lire sur la situation médicale et pharmaceutique en France, et plus globalement dans le monde.
couverture La fabrique de maladesL’ouvrage commence par une citation de la pièce de Jules Romain « Knock ou le triomphe de la médecine » : « tout homme bien portant est un malade qui s’ignore » et se poursuit, quelques pages plus loin, par une autre d’Henry Gadsen, président de MSD (Merck & Co), une des cinq premières firmes pharmaceutiques mondiales, qui déclare que son rêve est de produire des médicaments pour les bien portants…



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